Conte-nous ton histoire
ON DESSINE POUR SE TROUVER ET ON RENCONTRE LES AUTRES
Venise. Un italien qui a le sang chaud. Une française chaude comme la braise. Ils s'accouplent et forcément ça fait un mouflet quelques mois plus tard. La
femme a beaucoup de mal à se faire à l'acclimatation de sa nouvelle vie en Italie mais ne rechigne pas. L'
homme quant à lui, se trouve comme un poisson dans l'eau, alliant à la fois travail et vie familiale. Que demander de plus ? Vient ensuite le décès de la belle-mère côté paternel et là c'est le drame. Les médecins ont pensé dans un premier temps que c'était un mauvais rhume retombé sur les poumons. La toux était pourtant bien persistante.
Croyez-moi ou pas, mais à l'heure où je vous parle, il est toujours vivant. Une contrariété qui aura profitée de sa faiblesse sans doute. Neuf mois plus tard, c'est un miracle: le petit
Lucas Ezzio Lancelotti est né. Le poids qu'il fait ou voire même l'heure a laquelle il est né n'est pas d'une grande importance, mais pour cette famille c'est un énorme bonheur que d'accueillir un nouveau membre. Le seul enfant qu'ils pourraient avoir, ayant bataillé des années pour le concevoir. Il est magnifique, vous ne trouvez pas ? Il fait sa vie le petit gars, passant les années scolaires sans difficultés, bien que pas vraiment brillant élève. Non, ce qu'il préfère plus que tout, c'est le sport. Entre temps, il apprend aussi la langue natale de sa mère qu'il manipule aujourd'hui comme si elle l'était vraiment.
C'est adorable. Le collège se passe sans embûche, jusqu'à l'entrée au lycée où là ça commence réellement à se compliquer... notamment à cause de ses fréquentations.
C'est qu'il n'est pas blanc comme neige au final, le petit Clide Bourgois qu'il connait depuis le CM2.SEIZE ANS: L'ÂGE DE LA CONNERIE A SON APOGEE.
«
Whaaoo ! Lucas Lucas LUUUUUCAAAAS ! » «
Arrête, tu vas finir par me décrocher le bras. » «
Mais Lucas Lucas, tu es trop fort ! La baffe que tu as mis à ces blaireaux au basket ! T'es juste trop fort ! » «
Pourquoi est-ce que tu répètes toujours deux fois mon prénom ? Et puis tu n'as pas autre chose à faire par exemple ? Comme finir ton devoir de physique, non ? Allez. Maintenant laisse-moi passer, il faut que j'aille à mon cours de français. » «
Mais Lucas Lucas ! » je la regarde dans les yeux et lui tire la joue, comme une grand-mère qui gronderait sa petite fille, mais tout ça avec le sourire. «
Kaitlynn, tu sais je t'adore, mais là vraiment il faut que je passe si je ne veux pas me faire reprendre encore une fois par la vieille Loupeirs, tu sais qu'elle est dingue de moi » il faut dire que je n'ai pas été très tendre lors de son dernier cours. Des mots échangés tac-o-tac. Une exclusion de cours. Des parents en colère, limite sur le point de se demander s'il ne faudrait pas m'envoyer en pension. Non vraiment, j'ai eu ma dose.
Il faut que je pense à me calmer. «
Ah, mec ! » je lâche la joue de Kaitlynn pour ensuite redresser la tête. «
Clide ! » il s'approche et on se serre la main. «
T'es prêt à aller au cours de Loupeirs ? J'ai tellement pas envie en fait. Elle est tellement casse burnes avec ses putains de points de grammaire. T'as idée de ce qu'on peut faire... au lieu d'aller à son putain de cours ? » sécher. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois. «
T'as tes clopes ? » je renifle. «
Ouais. Ah ouais. Ouais, on peut aller fumer où tu sais. J'ai autre chose aussi. » j'affiche un petit sourire intéressé et hoche la tête. «
T'auras qu'à dire à la vieille que j'ai pas été bien dans la matinée et que je suis allé à l'infirmerie, elle pigera que dalle. »
Vingt-huit mars; date à laquelle j'ai touché à la drogue pour la première fois.
«
Hey, ça va Lucas ? » «
J'ai jamais été aussi zen de toute ma vie, ça fait un bien fou. » je ris tout seul, aspirant encore un peu de fumée. «
A quand tes prochains entraînements ? » «
De ? » je regarde le ciel, m'humidifiant les lèvres. «
Bah t'as pas genre une compét' de basket dans quelques jours ? » «
Ah ça. Si si, c'est demain normalement. » «
Normalement ? » «
Si j'suis pas trop défoncé ouais. Y'a la soirée de Mia ce soir. » «
T'as revu la bonnasse du club d'équitation ? » «
Ouais, et bien en profondeur en plus. » «
T'es sérieux ? T'aurais pu me mettre au courant avant au moins, que j'passe pas derrière ! » je me gratte la joue. «
Mec, c'est un thon cette fille, j'en veux pas dans mon lit. Tu peux te la taper, ça me fait une belle jambe. Mille fois la petite nénette de la piscine là... l'instructrice. » je me sens rêveur l'espace de quelques secondes. «
En plus elle roule trop du cul quand elle marche, une vraie bombe. » «
Ouais bon, tire une dernière fois et on range le matos avant qu'un pion nous trouve. Si on se fait choper, on est morts. » «
Tu sais, à mon avis on doit être tellement explosés que ça doit se voir, les profs sont pas aussi cons qu'on le pense. » «
Porte pas la poisse ! » je m'éclaircis la voix et me lève. «
J'ai la dalle, on va bouffer en ville ? »
L'art de passer des journées très intéressantes lorsque l'on est jeune.
VINGT ANS: L'ARRÊT DES ETUDES ET LA FAMILLE NOBLE
«
... T'arrêtes tes études alors que ton année est validée et en plus pour entrer au service de la famille Di Borgio ? Mais mec, c'est une vraie prison cette maison et tu sais tout aussi bien que moi qui tu n'arriveras pas à te plier à leurs ordres. Tu sais, les riches c'est pas ce qu'il y a de plus facile à cerner. » je croise les jambes. «
J'en ai marre des études, je veux passer à autre chose et entrer dans la vie professionnelle. En plus mes parents ont besoin d'argent et je ne me sens pas capable d'allier les cours, le sport et le travail à côté. Non, ça me boufferait tout mon temps. » «
T'es conscient de la merde dans laquelle tu t'engages, là ? » «
Bah, ça fait quelques semaines que j'y pense déjà, mais je ne voulais en parler à personne avant d'avoir vraiment pris ma décision. Il m'a proposé le poste la dernière fois au café. Après, il ne m'empêche pas de continuer les cours mais... je risque d'avoir des dizaines et des dizaines d'absences. Mieux vaut que j'arrête là et de toute façon la biologie, ça ne me plait plus. Mais bon, ça ne nous empêchera pas de nous voir hein, tu sais bien que tu es toujours le bienvenu. » «
Et tes parents ? » «
Je fais ça pour eux, ils n'ont donc pas à se plaindre. Je ne sais pas si j'ai tort ou si j'ai raison de prendre une telle décision, mais maintenant de toute façon c'est fait. J'ai rendu les papiers à l'administration. Officiellement je ne fais plus partie de la fac. » observant la réaction de Clide, je crois percevoir une pointe de tristesse dans ses yeux. «
Bon allez, il faut que j'y aille: je prends le service à quatorze heures. » une tape amicale sur l'épaule et je me volatilise.
vendredi dix janvier, quatorze heures deux, maison Di Borgio.
Un contrat à durée indéterminée. La famille ne sait pas pour combien de temps elle aura besoin de moi. Enfin, je ne vais pas me plaindre: j'ai du travail au moins et ça aidera -au niveau des comptes- ma famille. Je fais la rencontre rapide des membres de cette
confrérie. Monsieur Di Borgio, un homme plutôt robuste et mal rasé (soi-disant que ça donne un style). Madame Di Borgio, toute en beauté dans sa jolie robe à mille euros. Le frère aîné de la famille, Vincent et enfin... Elyzabeth Di Borgio, la cadette.
Magnifique progéniture d'ailleurs. Absolument à mon goût. Cela fait, il faut que je veille à l'entretient de la maison, mais aussi à la sécurité de ses occupants: je les accompagne un peu partout, un peu comme un toutou que l'on tient en laisse.
Mais moi ça m'est égal, tant que l'argent vient.mercredi 15 décembre, treize heures, maison Di Borgio
«
Lucas... » j'ai en horreur lorsqu'elle prend cette voix enfantine. «
Oui, Elyzabeth ? » nous avons passé un accord et j'ai parfaitement le droit de l'appeler par son prénom. Il faut dire que mine de rien, ça va bientôt faire un an que j'assure ce métier et que je suis donc à ses côtés. «
... Comment me trouves-tu ? Physiquement j'entends. » c'est toujours une question à laquelle il faut répondre astucieusement, c'est trop prendre le temps de réfléchir, avec les femmes. Je la vois cependant qui s'est rapprochée. Installée sur la table de sa chambre, je fais mine de m'intéresser au jardin, par la fenêtre. «
Ravissante, comme toujours. » je détourne le regard de la fenêtre lorsque je sens qu'elle se trouve un peu trop prés. Mais qu'est-ce qu'elle a à la fin ? Ouais c'est vrai, elle est attirante, mais bon... on n'est pas de la même situation sociale et pas sûr que ses parents cautionnent ce comp- Elle vient de poser ses lèvres sur les miennes, sans me demander mon avis. Je reste pantois, mon regard perdu se promenant ensuite sur son visage. «
Embrasse-moi... j'ai envie de toi... » non mais attendez... attendez une seconde. Je suis sans doute au paradis. Elle s'agrippe au haut de ma chemise et je la repousse un peu. «
Elyzabeth, tu sais bien qu'on ne peut pas se permettre ça ! » pourtant, la demoiselle n'en démord pas et revient à la charge. «
Je me fous de l'avis de mes parents... il y a trop longtemps que je me retiens maintenant... plis-toi à mes exigences, c'est ton rôle après tout, non ? » mon coeur manque un battement et je reste à la fixer, comme un idiot. «
Désolé, mais ce n'est pas dans le contrat. » elle s'emporte et me saute au cou. «
Rha, espèce d'abruti, laisse moi faire ! »
Inutile de vous faire un dessin, pas vrai ?
jeudi douze janvier, neuf heures du matin, café Plaza
«
Alors, comment ça se passe, ton travail ? » je remue la cuillère dans la tasse, baillant. «
Le travail normal ou celui au noir ? » il me regarde bizarrement et je me force à sourire. D'un côté je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, cette relation. Si les parents viennent à en entendre parler, je risque ma place. «
T'as trouvé un autre job à côté ? » «
Tu penses qu'entretenir Elyzabeth peut être considéré comme un deuxième emploi ? Putain, elle en demande. Si je ne me fais pas choper, c'est un vrai miracle. » il éclate de rire et je baisse les yeux sur la tasse, la montant bien vite pour poser mes lèvres sur l'un des bords. «
Attends, t'es sérieux ? Tu te fais Elyzabeth ? Mec... tu me la laisses pour une nuit ? » une pichenette sur le bout du nez. «
C'est déjà assez compliqué comme ça, alors n'en rajoute pas En plus, je crois qu'on a fait une connerie, mais j'espère me tromper. » elle a arrêté de prendre la pilule... mais bien entendu ça, elle ne me l'a dit qu'après une semaine d'arrêt. «
Un enfant ? Je veux être le parrain ! » je renifle, le fusillant du regard.
« Lucas, je suis enceinte, c'est officiel ! »
Laissez-moi me pendre.
VINGT-DEUX ANS: L'AMOUR AVEC UN GRAND « A »
«
Enceinte ?! Avec ce valet ?! Comment as-tu osé ?! » la fifille à papa n'a pas tardé à vouloir communiquer la bonne nouvelle. «
Pas de bâtard dans ma famille ! Si tu tiens à garder ce gamin, il faudra te marier ! » je manque une marche et m'affale à même le sol.
Marier. Ah non non, je ne suis pas encore prêt à tout ça, moi ! Il a pourtant l'air très sérieux et ça m'irrite plus que de raison. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère. Mieux vaudrait qu'elle ne garde pas cet enfant et que l'on vive notre histoire secrètement. «
Je le garde et nous nous marierons. » la dame a parlé.
Dans quelle merde tu t'es encore plongé mon pauvre Lucas ? «
Depuis combien de temps ? » elle prend cet air enfantin que je déteste. «
Un mois et deux semaines » allez, je n'ai plus qu'à tomber dans les pommes maintenant. «
Pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé avant ? » l'un de ses doigts fins vient caresser mes lèvres. «
Parce que je voulais t'en faire la surprise et l'annoncer à papa en même temps. » ... quelle surprise !
Le temps fait son ouvrage et bientôt arrive le mois de juillet. Ce même-mois où elle doit accoucher. Entre temps nous avons eu le temps de nous marier: le père jugeant qu'il est indécent d'avoir un enfant avant le mariage. Moi, personnellement je trouve que c'est encore plus malsain de se dire qu'un enfant été déjà conçu pendant le mariage. Enfin, heureusement qu'Elyzabeth n'était pas ronde comme un ballon, parce que sinon ça n'aurait sans doute pas fonctionné. Ce jour où vient Lily est magnifique malgré tout.
Une petite fille. Je me prends au jeu et assiste à l'accouchement, manquant même de m'évanouir en cours de route.
J'ai vingt-deux ans et me voilà papa. un dimanche comme les autres, dans le jardin de la demeure, j'ai vingt-quatre ans.
«
Oh, regarde comme elle est jolie cette fleur ! » depuis que la petite est là, je suis totalement gaga. Nous nous en occupons beaucoup et bien que je sois de la famille, je ne dois en rien délaisser mon travail:
c'est un peu à charge de revanche, pour avoir osé mettre la fille à papa enceinte. Enfin, avec tout ça, j'ai quand même un rang noble maintenant et ça ne me déplaît pas. «
Allez, essaie de l'attraper ! » le rire de ma petite Lily me transporte dans un autre monde. Deux ans et pourtant déjà tellement de complicité. «
Ton parrain ne va pas tarder à arriver, on devrait peut-être aller dans le salon, hum ? » un petit baiser sur la joue et je la prends sur mes épaules, faisant bien entendu attention de ne pas la faire basculer. Clide devrait arriver et je suis excité à l'idée de lui raconter certaines choses. «
Aïe ! Aïe ! Ah non, ne tire pas mes cheveux ! Lilyyyy ! » au loin, à l'autre bout du jardin, vers la barrière, j'entends un rire qui me stoppe: c'est
lui ! «
J'arrive ! Tiens-toi bien ma chérie ! »
VINGT-SEPT ANS: DRAME, PERTE & SEPARATION
Trois heures vingt-cinq du matin. «
Allô ? » voix ensommeillée. «
Lucas... » je me redresse dans le lit, étonné. «
Clide ? Non mais tu sais quelle heure il est ? » il semble bizarre à l'autre bout du fil. «
Hey... qu'est-ce qui se passe ? ... Clide ? » des sanglots résonnent et mon coeur cesse de battre. «
Je vais mourir Lucas... je... je voulais t'appeler avant de partir... t'as toujours été là pour moi... tu comptais énormément... je suis désolé... » je me redresse brusquement, sautant hors du lit, faisant en même temps sursauter Elyzabeth. «
Arrête tes conneries... t'es où là ? » «
... sur la route de la maison... allongé... accident... j'ai peur mec... j'arrive plus... à respirer... » «
Clide, je t'assure que là tu vas trop loin, arrête tes conneries... » des bruits en arrière plan me font devenir blème, je me sens livide, totalement abattu, choqué. «
Lucas... » bouche entrouverte, je ne sais vraiment plus quoi dire, m'asseyant sur le bord du lit, fixant droit devant moi. Des tonnes d'images défilent dans ma tête. «
... aide... moi... » je vais tourner de l'oeil. «
Lucas ? »
Cette voix féminine, je l'entends à peine. «
Clide est mort. » je mets la tête entre mes mains et déglutis. «
Il faut que j'aille voir. » j'ai un peu de mal à prendre conscience de ce qui se passe réellement. «
Tu ne devrais pas... tu n'es pas en état, Lucas ! » je claque la porte de la chambre, m'étant habillé à la va-vite, enfilant le manteau et sortant de la maison.
Clide. Mon frère.Quand je suis arrivé, les ambulanciers tentaient de le réanimer. Il n'a jamais rouvert les yeux. La vision de son corps en charpie me hante encore aujourd'hui. Il voulait que je l'aide... mais je ne pouvais rien faire... Rien. Je suis tellement mal. Tellement.Aujourd'hui, c'est mon anniversaire.
«
Porte pas la poisse ! Hey, ça va Lucas ? Je vais mourir Lucas... ... aide... moi... T'es sérieux ? T'aurais pu me mettre au courant avant au moins, que j'passe pas derrière ! ... t'as toujours été là pour moi... A la vie, à la mort ! Ah, mec ! J'ai tellement pas envie en fait... je suis désolé... J'ai tellement pas envie en fait. Hey, ça va Lucas ? ... A la mort !»
lundi dix-sept septembre, vingt-deux heures, demeure Di Borgio, Italie
«
Non mais ça ne peut plus durer. Ecoute, j'en ai ma claque. Regarde toi ! » je ne réponds rien, la regardant, accoudé à la table de la cuisine. «
Tu me fatigues, ça fait des jours que ça dure. » je baisse la tête. «
Il est mort. Il est mort maintenant. Mort. Enterré. Finish. Capiche ? » «
Oh écoute... ta gueule la morue. » «
Pardon ? » je me redresse, chancelant. «
Mais tu es totalement ivre ! » «
Ta gueule, j'ai pas envie que tu me fasses la morale, j'en ai déjà assez sur la conscience. » «
C'est Clide ? C'est à cause de Clide tout ça, c'est ça ? » «
Ma foi... t'es voyante, tu devrais ouvrir une roulote. Maintenant, fous-moi la paix, laisse moi décuver en paix. » «
Fais gaffe Lucas. Si tu replonges et que tu retouches à cette merde, tu sais ce qui va se passer. Tu le sais ! » je la saisie par les épaules. «
Vas-y, sors les papiers, appelle ton avocat: moi je ne te supporte plus et en plus de ça tu ne me touches plus, on ne fait plus rien... tu crois que j'ai pas compris que tu me fais cocu, espèce de connasse ? » «
Arrête maintenant ! » «
Et tu sais ce qui me fait le plus mal ? » pause «
... c'est le fait que tu me prennes pour un con depuis le début. » elle se fige et je la repousse sur le côté. «
Je vais prendre l'air. » ses poings se serrent. «
Si tu franchis cette porte, je te promets que tu n'entreras plus jamais. Tu ne reverras plus Lily. Père indigne. » je me retourne pour lui faire face, la fusillant du regard, bien plus lucide cette fois. «
Ma fille. Lily. Tu vas m'interdire de voir ma fille ? Mais t'es pire qu'une grosse connasse en fait ! » mes yeux se font menaçants et je sens que je suis sur le point d'exploser. «
Tu es malade Lucas, alcoolique, tu n'auras jamais la garde. » «
Mais putain, mais... » je lui attrape le poignet. «
... tu comprends pas ? Tu comprends pas que j'aurais juste besoin d'un appui ? Tu ne comprends pas qu'en agissant comme ça tu ne m'aides pas ? A la mort de Clide, tes parents se sont royalement foutus de ma gueule. Vous êtes les pires pourris que le monde connaisse, toi et ta saloperie de famille à la con ! » «
N'insulte pas ma famille ! » je la retiens tout contre moi. «
Retire-moi ma fille et je promets de détruire ta vie. » elle tremble, je le sens. «
Allez va, espèce de trainée. Vous pouvez chercher quelqu'un d'autre pour vous protéger tous, moi je me casse. » et dire que j'aurais pu avoir raison... et dire que j'aurais pu avoir avec moi ma petite Lily.
Je n'ai pas pu dire au revoir à Lily.
Ce soir là, je me suis revu, quelques années auparavant.
C'est de ta faute Clide, espèce d'idiot, tu me manques.
VINGT-SEPT ANS ET DEMI: A NOUS, INESO !
Plus de travail. Plus de famille. Plus de maison. Un peu d'argent sous la patte. Une procédure de divorce. Sous un pont, je réfléchis calmement à la situation, y passant parfois des journées entières.
Aujourd'hui il pleut. Hier il faisait beau pourtant, je pouvais prendre le soleil. Comment je me débrouille ? Je prends mes douches lorsque quelques entraînements pointent le bout de leur nez ou lorsque je peux me rendre à la salle de sport clandestinement. Je n'ai pas le coeur à demander aux autres de m'aider: je préfère faire mine de rien, ne parler à personne de cette histoire et m'en sortir seul.
Je suis à la rue, il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire, je l'ai bien voulu après tout. Les aléas de la vie forgent un homme et j'en suis sans doute le meilleur exemple. Après avoir perdu mon meilleur ami, mon frère... me voici sans famille à dormir sous un pont. Mes parents ? Je ne veux pas inquiéter ma mère. Je ne veux pas non plus que mon père tombe malade.
Non. Mieux vaut laisser passer, ça s'arrangera forcément.
Il faut juste que je trouve le moyen de partir très loin d'ici.salle de sport, vingt-sept septembre, dix heures trente-six du matin, entraînement
«
T'as vu qu'ils recherchent du personnel à INESO ? »
L'INESO ? «
C'est quoi encore, ça ? » «
C'est une immense machine à fric. Un établissement dans lequel il n'y a que des riches et quelques privilégiés. Un vrai boulot en or moi, je te dis. Tu devrais tenter ta chance. Bon, c'est sélectif, mais ça vaudra peut-être le coup... et je pense que t'as plus rien à perdre maintenant. » je hoche la tête, m'emparant de la petite annonce qu'il tient dans ses mains. «
Par contre il va falloir que tu te grouilles si tu veux avoir cette place... l'annonce ne date pas d'hier. Y'a un numéro de téléphone en bas. » effectivement, il va falloir que je fasse vite.
vingt-huit septembre, huit heures dix du matin.
Je viens d'avoir un responsable au téléphone, il m'a dit qu'il fallait que je me pointe à l'établissement avec un
curiculum vitae ou qu'au moins je leur fasse parvenir par fax ou courrier. Ils feraient au mieux et l'heureux élu recevrait une formation durant les mois à venir. Je suis sportif. J'ai vingt-sept ans et bientôt vingt-huit. J'ai déjà assuré un travail de protection durant cinq longues années de ma vie. Bon d'accord, je n'ai aucune situation financière... mais ça ce n'est pas grave, je vais bien finir par rebondir.
premier octobre, dix-huit heures et quelques secondes, aéroport de Venise
«
Encore merci, je ne sais comment te remercier. » «
Commence par décrocher ce job et le reste on en reparlera plus tard ! » il me fait un signe de la main, tandis que je cours pour prendre la direction de l'aéroport, histoire de voir à quel terminal il faut que je me présente. «
Terminal six, monsieur. » je remercie l'hôtesse d'un petit sourire et reprends ma course, arrivant
in extremis à destination.
trois octobre, onze heures du matin, académie INESO.
Maintenant j'y suis, je ne peux plus faire machine arrière. On m'a appelé dans la matinée pour me confirmer que mon profil était plus qu'intéressant et qu'il fallait que je me présente au plus vite au bureau
B du bâtiment
4. De là, je passe un entretien et ressors du bureau un grand sourire sur les lèvres: on dirait bien que la chance reprend du service ! Il était temps. Je vais passer une batterie de tests physiques, afin de bien prouver que toutes les informations couchées sur le papier ne sont pas factices. Une formation de six mois et une période d'essai de quatre mois. Ce qui fait que si tout se passe bien, je pourrai prendre de réelles fonctions au mois de septembre et donc pour la rentrée.